Rôle écologique
Dans les milieux où les récifs d’Hermelles se développent, ils jouent des rôles écologiques très variés qui leur confèrent un intérêt qui va bien au-delà de l’intérêt patrimonial paysager.
Un rôle concentrateur de biodiversité.
Les récifs d’Hermelles en général et ceux se développant sur substrat meuble en particulier abritent une biodiversité qui se démarque de celle que l’on trouve dans leur environnement immédiat. Les récifs abritent un plus grand nombre d’espèces (richesse spécifique) en raison des multiples anfractuosités, fissures et autres micro-habitats colonisés par de nombreux invertébrés qui s’y installent et s’y développent, soit directement sur les parois récifales, soit dans les tubes inhabités.
Dans la baie du Mont-Saint-Michel, des études ont révélé que le nombre d’espèces moyen était plus de 5 fois plus important dans les récifs que dans les sédiments meubles qui le bordent. La composition des assemblages d’espèces rencontrés sont également très différents. En effet, les récifs ont la particularité de créer un milieu rassemblant des espèces provenant de divers habitats : des substrats meubles aux substrats durs et des zones intertidales (vasières et sables) aux zones subtidales plus au large (sables grossiers, sédiments hétérogènes envasés). Certaines espèces semblent même être uniquement retrouvées sur les récifs comme certains petits gastéropodes (Noemiamea dolioliformis) ou certains petits vers ronds (nématodes). Enfin, il a été montré que chaque étape de la dynamique récifale (structure en boule, en barrière, platier) hébergeait une faune qui était différente, cela en fonction des formes d’habitats propres à chaque état (Dubois et al. 2002). En somme, les structures physiques que Sabellaria alveolata élabore offrent un habitat concentrateur de biodiversité et représentent un véritable hotspot de biodiversité.
Une place spéciale dans le fonctionnement du réseau trophique.
La quantité d’eau filtrée par un individu de Sabellaria alveolata pour se nourrir est très faible mais les densités rencontrées (parfois plus de 30 000 indivuds.m-2) font des récifs d’Hermelles de véritables filtres biologiques. Il a été calculé qu’un mettre carré de récif pouvait filtrer en moyenne plus de 50 litres d’eau par heure (Dubois et al. 2009). Dans des zones productives, ces récifs contribuent donc activement au transfert de la matière organique dans les écosystèmes où les récifs se développent sur de grandes surfaces. De plus, outre leur rôle de consommateur de phytoplancton, ces petits vers représentent une nourriture pour plusieurs vertébrés et invertébrés. De nombreux crabes (Cancer pagurus, Carcinus maenas) et poissons de roches (Blennius pholis) vivent dans les anfractuosités récifales et se nourrissent des vers. Certains poissons plats (Solea solea) viennent également tout spécialement se nourrir sur les récifs à marée haute où ils « broutent » les têtes des vers.
Un stock de sédiments calcaires.
Les plus grands récifs d’Hermelles se développent dans des environnements sableux caractérisés par de forts mouvements sédimentaires. Ces sables moyens propres et mobiles contiennent une forte proportion de fragments de coquilles calcaires (appelés sables bioclastiques) qui sont utilisées dans la construction des tubes par les vers. Il a ainsi été montré que les tubes comportaient entre 60 et 80% de sédiments bioclastiques. Les récifs représentent ainsi une véritable réserve de calcaire à l’échelle de la baie et une forme originale d’exemple de récif carbonaté vivant en milieu tempéré.