Les Hermelles: qu'est ce que c'est?

Les formations récifales ne se résument pas aux seuls récifs coralliens mais regroupent une plus large variété d’espèces capables de construire ce qu’il convient d’appeler des structures biogéniques (ou bioconstructions) au sens large.  Par définition, les formations récifales se définissent comme des structures solides et massives qui sont créées par une accumulation d’organismes, souvent émergeant du substrat – rocheux ou meuble – ou formant un habitat discret et clairement différentiable du substrat avoisinant.  La structure récifale peut être composée presque exclusivement de l’organisme et de son tube ou de sa coquille, ou, dans une certaine mesure, être composée de sédiments, graviers et débris coquilliers agglomérés par l’organisme.  Il n’est pas toujours évident de faire la distinction entre une structure récifale et un regroupement massif d’individus d’une espèce dont l’association se discrimine nettement du substrat sur lequel cette espèce se développe. 

Les annélides polychètes (ou vers marins) grégaires[1] tubicoles[2] représentent le principal groupe taxonomique capable de bioconstructions.  C’est en particulier le cas des espèces de la famille des Sabellariidae (Johnston, 1865) qui comporte une vingtaine de genres dont certains comme Idanthyrsus (Kinberg, 1876), Phragmatopoma (Mörch, 1863) ou Sabellaria (Savigny, 1818) construisent des récifs le long des côtes sur plusieurs dizaines de kilomètres.  A l’échelle mondiale, les plus grandes bioconstructions se trouvent sur les côtes d’Amérique du Sud pour l’espèce Phragmatopoma lapidosa (Kinberg, 1866) et sur les côtes européennes pour l’espèce Sabellaria alveolata (Linnaeus, 1767). 

 

Deux espèces de Sabellariidae co-existent sur les côtes européennes :

(1) Sabellaria spinulosa (Leuckart, 1849) qui est une espèce subtidale qui colonisent les fonds à cailloutis et dont les bioconstructions forment de petites boules sur les coquilles et les cailloux colonisés (Hendrick et Foster-Smith 2006) et

(2) Sabellaria alveolata qui est une espèce intertidale que l’on rencontre au niveau de la zone medio-littorale, et dont les bioconstructions prennent plusieurs formes selon l’environnement local.  Classiquement, S. alveolata se rencontre sur les estrans rocheux au niveau de la ceinture à fucales où les associations de tubes se caractérisent par des formes encroûtantes de la roche quand les individus sont en faible densité, jusqu’aux formes en boules et placages épais adossés à la roche quand les densités sont beaucoup plus fortes.

Les naturalistes du 19ème siècle les décrivaient ainsi : « Sur ces côtes si violemment battues par les flots, on rencontre tantôt derrière quelque gros rocher, tantôt dans une fente profonde, mais aussi souvent fixées sur quelques pointe entièrement à découvert, des espèces de mottes de sable percées d’une infinité de petites ouvertures à demi-recouvertes par un mince rebord.  Chacune de ces mottes, assez semblable à un épais gâteau de ruche de miel est, ou un village ou une populeuse citée.  La vivent en recluses des centaines d’Hermelles, annélides tubicoles des plus curieuses que puisse observer le naturaliste. » (A. de Quatrefages, 1854. Souvenir d’un naturaliste, Tome 2, p180).   Si les naturalistes appelaient ces annélides des « Hermelles », c’est en raison de leur appartenance à la famille des Hermellidae, aujourd’hui redécrite et scindée en plusieurs familles, dont celle des Sabellariidae à laquelle appartient Sabellaria alveolata.   Le nom d’Hermelles est resté dans la nomenclature populaire française et la terminologie « récif d’Hermelles » est encore couramment employée.  Selon les régions de France, des noms vernaculaires très imagés ont fait leur apparition.  Ainsi, en baie du Mont-Saint-Michel, les récifs d’Hermelles sont communément appelés les « crassiers ».

[1] une espèce grégaire est une espèce vivant en groupe

[2] une espèce tubicole est une espèce qui vit dans un tube, soit en permanence, soit temporairement